CNDA – Cours Nationale du Droit d’Asile

Lorsqu’une demande d’asile est refusée par l’OFPRA, le.a demandeur.se peut déposer un recours auprès de la Cours Nationale du Droit d’Asile (CNDA). Il s’agit de la juridiction la plus rapide et la plus productive de France : en 2017, la CNDA a produit 47 814 décisions en 3607 audiences, soit 13 affaires par audience…

Est-ce que ces chiffres incluent les décisions passées par ordonnance ? Aucune idée. Mais il y a de fortes chances qu’ils expliquent pourquoi on se retrouve avec des ordonnances de rejet qui vous tartinent sur 3 pages, des « considérant la réglementation postale » pour dire que la cour n’examinera pas la demande, au prétexte que le délais de recours (un mois), court à partir de la date où la pli contenant la notification de la décision de l’OFPRA a été présenté. Oui, bien sûr, l’ordonnance reconnait que le pli n’a pas été réclamé et qu’une copie de la notification a été remise en main propre au demandeur, à une date ultérieure, qui est dans les délais pour le recours, mais rien à f’**, nous on compte la date de première présentation (oui, oui, on sait que vous n’avez pas pu prendre connaissance de la décision à cette date, mais bon, « la notification doit être regardée comme ayant été régulièrement effectuée »…) Et on rejette la demande de recours : hors délais. En clair : circulez, ça fera toujours un dossier de moins à examiner…
La personne concernée par cette ordonnance était berger au fin fond de la pampa afghane. Son frère a été tué dans des affrontements entre les forces gouvernementales et les talibans. Suite à des menaces, parce que des talibans ont également été tués dans l’affrontement, ses proches ont préférés l’aider à quitter le pays plutôt que risquer qu’il soit tué aussi. Il a traversé l’Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, la Croatie et l’Italie pour arriver en France « pays des droits de l’Homme », où il pensait pouvoir obtenir protection. Quand je l’ai croisé, il parlait déjà un peu le français.
Et là, il faut lui expliquer que sa demande de recours n’a même pas été examinée parce qu’une cour surchargée en arrive à chercher tous les p*tain de prétextes possibles, pour tenir le rythme qu’on lui impose ???

C’est entre autre pour dénoncer cette logique productiviste, pour que les objectifs chiffrés cessent de primer sur la qualité des décisions rendues qu’en février 2018, des agents de la CNDA et des avocats ont entamés une grève : les rapporteurs ont comme objectif chiffré de traiter 325 dossiers par an. C’est-à-dire deux à trois dossier par jour. Comment peut-on sereinement décider de deux à trois vie par jour ???

L’autre cible du mouvement est le projet de loi asile et immigration. Il accroîtrait la tension, en imposant « un délai moyen de traitement global de six mois » au total pour l’OFPRA et la CNDA, ce qui laisserait « seulement quatre mois, ou moins » à la Cour d’appel pour étudier les dossiers.

Avant 2009, les décisions de recours étaient prises par la commission des Recours et des Réfugiés, qui dépendait du Ministère des Affaires Etrangères. L’autorité de tutelle de la CNDA (créée en 2009) est le Conseil d’Etat. Les grévistes souhaitent que ce mouvement de jurisdictionalisation se poursuive.

Comment le droit d’asile pourrait-il être traité par une justice au rabais, dans le « pays des droits humains » ???

Sources :
Quinze jours de grève pour défendre le droit d’asile, Michel Henry, Médiapart, 28 fév 2018
Entretien avec Delphine Lecombe, rapporteure de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), Edwy Plenel, Médipart, 28 fév 2018
Compte twitter de la CND en grève
Comme un bruit qui court, Giv Anquetil, Antoine Chao, Charlotte Perry, France Inter, 10 mars 2018

VG, 11 mars 2018